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Les refus de demandes humanitaires d’immigration ont doublé en 2020

Immigration
Plusieurs étrangers, non vaccinés contre la COVID-19, résidant à Montréal, annoncent leur décision de quitter le Québec ou le Canada. Photo: Archives Métro

Les rejets de demandes humanitaires d’immigration ont monté en flèche depuis les deux dernières années, sans qu’aucun changement de politique publique n’ait été annoncé, dénonce la coalition nationale Migrant Rights Network.

En effet, si le taux de rejet des demandes humanitaires d’immigration était d’environ 35% avant 2020, ils ont considérablement augmenté depuis, a dévoilé l’organisme lors d’une conférence de presse virtuelle mardi matin.

Selon les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le taux de rejet des demandes d’ordre humanitaire et de compassion s’élevait à près de 70% pour les mois de janvier à mars 2021, du jamais vu auparavant.

Les personnes qui normalement ne seraient pas admissibles au statut de résident permanent au moyen des programmes réguliers peuvent soumettre une demande pour considérations d’ordre humanitaire. 

Contrairement à la demande d’asile qui est fondée sur la crainte de persécution ou de risque, la demande d’ordre humanitaire et de compassion est fondée sur «l’existence suffisante de facteurs de compassion» qui suscitent assez l’émoi pour qu’une personne raisonnable décide d’alléger les souffrances du demandeur. 

«Cela peut inclure la discrimination dans le pays d’origine, le fait d’être coincé au Canada sans que le renvoi soit possible, l’établissement au Canada (travailler, faire du bénévolat, être ici depuis longtemps) et c’est surtout la seule application qui prend en compte l’intérêt supérieur de l’enfant», explique le consultant en immigration, Macdonald Scott. 

C’est pourquoi, selon Migrant Rights Network, la demande pour des motifs humanitaires est la seule voie vers le statut de résident permanent pour la plupart des migrants sans papiers. 

«Le statut de résident permanent est le seul mécanisme permettant de garantir l’égalité des droits des migrants. En doublant les rejets, le premier ministre Trudeau double le potentiel d’exploitation», affirme Syed Hussan, du secrétariat du Migrant Rights Network. 

Des migrants prennent la parole

Le Montréalais d’origine malienne Mamadou Batchily est arrivé au pays en 2015. L’homme de 44 ans a eu un grave accident du travail en 2018. M. Batchily a fait une demande pour des motifs humanitaires et compatissants, mais celle-ci a été refusée en janvier 2021. 

«J’ai été fragilisé par ce processus douloureux. Je vois maintenant que le Canada n’accorde aucune valeur à la vie humaine. Mon cas montre les injustices auxquelles sont confrontés tous les migrants au Canada, et en particulier ceux qui se blessent en travaillant dans ce pays», a-t-il déclaré. 

D’autres migrants de Vancouver, d’Edmonton et de Toronto qui se sont vu refuser la résidence permanente ont aussi pris la parole. Ils appellent à des changements immédiats et à un statut d’immigration complet et permanent pour tous.

«Le processus d’immigration nous étouffe lentement», a ajouté Queen Gabriel, une migrante originaire des Caraïbes dont la demande a été rejetée en octobre 2020. «Beaucoup d’entre nous sont morts sans pouvoir accéder à des soins de santé simples pendant COVID-19 ou même des jours de maladie par peur d’une réprimande déraisonnable. La résidence permanente ne devrait pas être une entreprise aussi éprouvante, angoissante, intimidante pour quiconque. Le statut d’établissement pour tous est nécessaire.»

Raison de cette augmentation?

Migrants Rights Network ne peut expliquer cette hausse soudaine du nombre de refus des demandes humanitaires d’immigration. 

Or, selon le porte-parole Syed Hussan, ce n’est pas en raison de la pandémie de COVID-19 puisqu’il n’est pas question de retards de traitement, mais bien d’une augmentation réelle des taux de rejet.

«Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est qu’il y a un rejet systématique des demandes d’application d’ordre humanitaire et de compassion. […] C’est clairement une sorte de changement systématique qui se passe», ajoute M. Hussan.

De son côté, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada indique que «bien que les statistiques semblent démontrer une hausse des refus en 2020 et 2021 comparativement aux années précédentes, il importe de noter que le ratio approbation/refus de l’admissibilité est semblable à celui de 2019.»

Explication de Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Le conseiller en communication d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada Peter Liang assure que le nombre de refus semble plus élevé que les approbations en raison des retards engendrés par la COVID-19 et des prolongations accordées pour la présentation de documents afin d’aider les demandeurs. 

«Nous avons par conséquent eu plus de difficulté à clore les dossiers pour lesquels l’approbation des documents n’est pas terminée. […] En raison de la COVID-19, il faut plus de temps aux demandeurs pour obtenir les documents voulus, ce qui retarde l’évaluation de leur demande», écrit-il.

M. Liang ajoute que, lorsqu’une demande est refusée, aucun examen supplémentaire n’est requis; ainsi l’incidence sur le nombre de refus est moindre. «Il faut beaucoup plus de temps pour clore un dossier approuvé qu’un dossier refusé. Les refus sont traités plus rapidement, car pour ces derniers, les demandeurs n’ont pas à fournir d’informations supplémentaires», dit-il.

Avec la reprise des activités, les statistiques sur les refus et les approbations dans la catégorie des demandes pour considérations d’ordre humanitaire devraient changer, affirme le conseiller en communication.

Baisse du nombre d’immigrants en 2020

Par ailleurs, Migrants Rights Network s’explique mal l’augmentation considérant que le Canada vit une pénurie de main-d’œuvre et que ces migrants sont, pour la plupart, «des travailleurs et des membres essentiels des communautés».

En effet, le Canada a connu un déficit historique d’immigration en 2020 en raison de COVID-19, où seulement 184 000 personnes ont obtenu la résidence permanente. Pourtant le gouvernement fédéral s’est fixé un objectif de 401 000 migrants pour 2021.

«À l’heure actuelle, le Canada a besoin d’immigrants et, avec la COVID-19, la première chose à faire est de régulariser et de donner la résidence permanente à tous les migrants déjà dans le pays, y compris les sans-papiers. Au lieu de cela, nous voyons des agents de l’immigration faire arbitrairement le contraire», affirme Syed Hussan.

Les programmes d’immigration créés pendant la pandémie excluent tous deux en grande partie les résidents sans papiers, ajoute Migrants Rights Network.

Selon la coalition, il y a plus d’un demi-million de résidents sans papiers au Canada. Il s’agit principalement de migrants arrivés avec des permis temporaires (permis de réfugié, de travail ou d’études) dont les permis n’ont pas été renouvelés en raison de lois d’immigration restrictives.

Migrants Rights Network organise une semaine d’action pour faire valoir leurs revendications. Celle-ci débutera avec une manifestation qui se tiendra à Montréal le 18 juillet. 

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